Numéro spécial « Fiz ! Kul´t ! Ura ! » : former, par le corps, l’enfance et la jeunesse soviétiques.


Sylvain Dufraisse vous annonce la parution d’un numéro spécial de la revue cahiers du monde russe sur « former, par le corps, l’enfance et la jeunesse soviétiques. » 

https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-monde-russe-2024-1.htm

« Fiz ! Kul´t ! Ura ! » : former, par le corps, l’enfance et la jeunesse soviétiques.

Au lendemain de la révolution et de la guerre civile, les bolcheviks, soutenus par les réformateurs sociaux, prônent un nouveau projet d’éducation physique, la fizkul´tura [culture physique. Ce projet, qui vise à transformer les corps et les âmes des citoyens dans le régime soviétique en construction, est fidèle aux conceptions d’éducation totale marxiste. Le mental et le physique sont interdépendants et doivent être simultanément améliorés dans le but d’éduquer l’homme complet. Si ses partisans défendent un projet de rupture, rupture que l’historiographie soviétique a tendu à accentuer, la fizkul´tura mêle les expériences russes antérieures et s’inscrit dans plusieurs tendances transeuropéennes . Sa conceptualisation en Russie soviétique, puis en URSS, est le résultat de vifs débats.

Ce dossier se concentre sur la période de genèse de la fizkul´tura – les années 1920 et 1930 –, et met l’accent sur un domaine peu étudié par l’historiographie , à savoir la construction d’une offre d’activités physiques spécifique pour les enfants et les jeunes, avec une diversification des méthodes d’enquête et le recours à la culture visuelle. Il s’agit ainsi de montrer la portée et l’intérêt d’une histoire de la culture physique qui dépasse la seule histoire du sport et qui éclaire un des aspects de la civilisation soviétique, à savoir la manière dont celle-ci prend corps.

Outre une introduction rédigée avec Cécile Pichon-Bonin, le numéro se compose de trois articles :

Andrei Adelfinski 

Les enfants, le sport et l’éducation physique soviétique : idées, réalités et plans (années 1920-1930)

L’article décrit la mise en place du sport et de l’éducation physique pour les enfants en URSS. L’analyse s’appuie sur l’étude de documents d’archives, de la presse, de travaux scientifiques et méthodologiques des années 1920-1930. Elle se concentre sur les points de vue de spécialistes sur l’éducation physique et le sport chez les enfants et sur la pratique réelle de ce dernier en tant qu’activité organisée. Elle identifie un consensus d’experts sur le rôle du sport dans l’éducation physique des enfants et des adolescents. Dans les années 1920, les compétitions étaient évaluées positivement comme méthode de développement physique, mais négativement comme une fin en soi ; on accordait une plus grande attention aux enfants les moins doués. Ces idées s’inscrivaient dans la continuité du plan prérévolutionnaire de réforme de l’école secondaire et étaient proches de la tendance humaniste et « de gauche » de l’éducation physique en Occident. En 1932, la participation des enfants aux pratiques officielles d’éducation physique et de sport ne dépassait pas 3 %. Le programme pour enfants « Sois prêt pour le travail et la défense » (BGTO) reflétait la militarisation du sport inspirée de la « méthode naturelle » d’Hébert et de l’Idrottsmärke. La création des premières écoles de sport pour enfants fut un moyen de mettre en œuvre le BGTO et de poursuivre l’objectif d’un accès massif des écoliers aux infrastructures sportives. Dès 1934, les premiers signes d’une dérive « à droite » et d’une future prise en charge inhumaine de l’enfance se révèlent : les ressources commencent à se concentrer sur les enfants les plus doués.

Ekaterina Kulinicheva

Searching for sportswear for the new Soviet children: 1920s Soviet design between the utopian and the situational

This case study of the practice of Soviet social and cultural policy focuses on experimental sportswear targeted at children, teens, and young adults in the 1920s. Besides well-known design projects by avant-garde artists such as Varvara Stepanova, it investigates projects by unknown and less known contributors and “non-creative” professionals such as doctors. From economic and industrial perspectives, it conceptualizes two major branches within the experimental Soviet design of the 1920s: the situational and utopian approaches to project making. Although the intellectual pursuits during the decade were intense and encouraged the multiplication of design variations, the poor economic and industrial environment pushed those who governed and practiced fizkul´tura to adopt the simplest and cheapest designs. Failure to establish industrial connections between stakeholders contributed to the problem. This case study shows how economic and industrial issues structured cultural production, including experiments in material design by the 1920s Soviet Avant-Garde.

Birgitte Beck Pristed

Moveable types: Embodied letters in Soviet children’s “living newspapers” (1920s-1930s)

The article demonstrates the convergence of physical, literary, and political educational goals in early Soviet child correspondents’ performances of “living newspapers.” Drawing on notions of letters as “graphic bodies,” developed within the field of typography studies and social semiotics, it presents the 1920s Soviet educational development of embodied reading practices and the medium of living newspapers among children. It analyses a collection of the Perm-based illustrated pioneer monthly Zhivaia teatralizovannaia gazeta dlia pionerov [The Living Dramatized Newspaper for Pioneers], guidebooks for pioneer editorial boards, and visual materials from child performances, to discuss the implications of how the news performances turned the child correspondents’ bodies into living letter carriers.

Bonne réception,

Marion PHILIPPE

marion.philippe@univ-eiffel.fr